Remarque introductive
Les deux info’SCom suivants traitant d’aspects fiscaux nécessitaient des précisions et mises à jour :
- Rôle et compétences de communes suite à l’entrée en vigueur de la loi du 6 juin 2000 sur les impôts cantonaux directs (LICD) (38/2000) et
- Compétences matérielles des communes en matière de perception d’impôts (9/2006).
A cet effet, le Service des communes (SCom) a élaboré, avec le concours du Service cantonal des contributions (SCC), le présent info’SCom. Celui-ci a été mis en consultation auprès de la Conférence des préfets et de l’Association des communes fribourgeoises (ACF).
La présente publication remplace les deux info’SCom précités. Les principales modifications portent sur deux points :
- La fixation des coefficients et taux d’impôts doit intervenir avant le début de la période fiscale concernée, ce qui signifie notamment que les baisses fiscales rétroactives, qu’elles aient lieu durant la période fiscale concernée ou après la fin de celle-ci, ne sont pas admissibles.
- Les modalités de perception sont celles que prévoit la législation fiscale. Les compétences communales dans le domaine des impôts ordinaires se limitent au nombre d’acomptes et au terme général d’échéance. Cela signifie en particulier que les ristournes d’impôts ne sont pas non plus admissibles.
L’info’SCom 24/2024 sur la procédure de vote du budget traite également d’informations utiles en matière d’impôts communaux, raison pour laquelle il y est renvoyé par endroit.
Bases légales
Les communes fribourgeoises jouissent d’une souveraineté fiscale dérivée ou déléguée, c’est-à-dire consacrée et limitée par le droit cantonal. Elles ne peuvent donc percevoir des impôts que dans les limites fixées par le droit cantonal.
La fixation et la perception des impôts communaux sont réglées par les dispositions de droit cantonal suivantes :
La Cst cant. fixe les principes généraux en matière d’imposition (cf. pt 3.3 ci-après). Les lois cantonales précisent leur mise en œuvre de manière plus détaillée.
La LICD régit les impôts cantonaux. Toutefois, une grande partie de ses dispositions sont applicables par analogie aux impôts communaux, par renvoi de la loi sur les impôts communaux (LICo, RSF 632.1). Il s’agit de toutes les règles générales de la LICD (art. 1 al. 4 LICo : p.ex. conditions d’assujettissement, assiette de l’impôt, période fiscale, principes généraux de procédure), de la procédure relative aux voies de droit (art. 42 al. 3 LICo) et de la procédure de perception (art. 44 al. 3 et 45 LICo).
La LICo régit les impôts communaux. Ils sont appelés impôts ordinaires1 ou impôts spéciaux2. Pour la première catégorie, il s’agit d’un coefficient à fixer en pour cent de l’impôt cantonal de base (art. 3 al. 3 LICo). Pour la deuxième catégorie, il s’agit de taux ou de centimes additionnels à fixer (art. 13ss LICo).
1Les impôts communaux ordinaires sont les impôts sur le revenu et la fortune des personnes physiques et les impôts sur le bénéfice et le capital des personnes morales (art. 3 LICo).
2Les impôts communaux spéciaux sont tous les autres impôts prévus par la LICo en l’espèce : contribution immobilière, impôt sur les successions et donations, droits de mutation, impôts sur les gains immobiliers, impôts sur les spectacles et divertissements, sur les jeux d’adresse de grande envergure, sur les appareils automatiques de distribution, sur le commerce temporaire et sur les chiens (art. 12ss LICo). La contribution temporaire pour couvrir les frais d’exécution de travaux (art. 25 LICo) et la prestation pour corvées non exécutées (art. 26 LICo) ne sont en réalité pas des impôts, mais des taxes.
La LFCo contient les principes fondamentaux applicables en matière d’impôts communaux et fixe les compétences des différents organes communaux.
Fixation des coefficients et taux d’impôts communaux
Organes
La commune est compétente pour fixer les coefficients et taux d’impôts communaux selon ses besoins financiers et conformément à la législation fiscale (art. 64 al. 1 LFCo). L’organe communal compétent est l’assemblée communale ou le conseil général (art. 67 al. 1 let. i et 68 LFCo). Dans les communes avec conseil général, la décision sur le coefficient ou taux fiscal est soumis au referendum facultatif (art. 52 al. 1 let. b de la loi sur les communes, LCo, RSF 140.1). Lorsqu’elle fixe le coefficient des impôts, il est important que la commune respecte les principes généraux ainsi que les dispositions légales détaillés ci-après aussi bien sur le plan procédural que sur celui du droit matériel.
Exigences procédurales
Sous l’angle de la procédure à suivre, lorsque le conseil communal envisage une modification de coefficients d’impôts, le projet de modification doit être annoncé dans la convocation de l’assemblée communale ou du conseil général. En outre, toute proposition de modification de coefficients doit être accompagnée d’un message explicatif (art. 73 al. 3 en lien avec l’al. 2 let. d LFCo). Le préavis de la commission financière est obligatoire (art. 72 al. 1 let. f LFCo). Celle-ci doit recevoir du conseil communal, au moins 20 jours avant la séance, les documents nécessaires pour son préavis (art. 71 al. 1 LFCo) et doit remettre son préavis au conseil communal au moins 3 jours avant la séance (art. 71 al. 2 LFCo). Ce préavis doit ensuite être communiqué lors de l’assemblée ou de la séance du conseil général (art. 72 al. 2 LFCo). Toute modification du coefficient ou du taux d’impôts décidée doit être communiquée au SCom (art. 64 al. 3 et 4 LFCo).
La décision fixant le coefficient ou taux d’impôt doit être prise selon les besoins financiers de la commune (art. 64 al. 1 LFCo) et de manière à assurer l'équilibre financier (art. 20 al. 2 LFCo). Elle a une durée de validité indéterminée et reste valable jusqu’à sa modification par l’assemblée communale ou le conseil général (art. 64 al. 2 LFCo).
Pratique à adopter
La pratique – tolérée auparavant – consistant à baisser un coefficient d’impôt rétroactivement pour un exercice déjà écoulé n’est plus justifiable. Elle contredit le principe de l’interdiction de la rétroactivité. Seule une modification de coefficient future, pour un exercice qui n’a pas encore débuté, est admise.
Droit matériel applicable
Du point de vue du droit matériel, la commune doit tenir compte des principes légaux suivants lors de la fixation du coefficient et du taux d’impôt :
Dans leur activité, les communes doivent, comme toute autre collectivité publique, agir dans le respect des principes généraux régissant l’activité de l’Etat, soit la légalité, l’intérêt public et la proportionnalité (art. 4 Cst cant.), la bonne foi et l’interdiction de l’arbitraire (art. 10 Cst cant.), ainsi que l’interdiction de la rétroactivité qui découle de ces principes. Les principes de l’interdiction de la rétroactivité, de la sécurité juridique, de la prévisibilité, de la stabilité normative, de l’égalité de traitement et de l’intérêt public (art. 81, 82 et 132 Cst cant.) revêtent en outre une importance particulière. Les citoyens doivent pouvoir avoir confiance dans l’activité publique qui doit être la plus stable et prévisible possible.
Les coefficients et taux d’impôts doivent être fixés de manière à assurer l’équilibre financier. Ils ont pour but d’équilibrer les finances communales. Un excédent de charges n'est admis que si le capital propre non affecté permet de l'absorber. Lorsqu’une commune outrepasse cette règle, l’article 65 LFCo prévoit l’obligation de corriger cette situation par une hausse des impôts (voir info’SCom 24/2024 Procédure à suivre lors du vote du budget). Le respect du principe de l’équilibre financier ainsi que l’utilisation des outils financiers, tels que le plan financier (art. 5 LFCo) et les indicateurs financiers (art. 23 LFCo), doivent permettre aux communes d’anticiper les évolutions négatives afin d’empêcher les déficits répétés ou les coefficients d’impôts en dents de scie. Ce système repose sur la responsabilité et l’autonomie communales.
Ce principe permet d’assurer une sécurité et une prévisibilité de l’activité étatique. Il vise à empêcher l'application d'une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (rétroactivité proprement dite), car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et adapter leur comportement en connaissance de cause.
En matière fiscale, il y a rétroactivité lorsque l'obligation imposée au contribuable se fonde sur des faits antérieurs à l'entrée en vigueur de la loi. À titre d’exemple, une loi fiscale qui augmenterait le coefficient d’impôt pour des périodes fiscales échues avant son adoption doit être qualifiée de rétroactive et de non conforme au principe d’interdiction de rétroactivité.
Sur le plan des impôts directs, la rétroactivité est d’autant plus exclue car, d’une part, le coefficient communal peut être revu chaque année (art. 64 al. 1 LFCo). Et, d’autre part, il résulterait d’un coefficient d’impôt fixé rétroactivement une inégalité entre communes percevant elles-mêmes les impôts ordinaires et celles ayant délégué cette tâche au SCC, option qui rend impossible toute rétroactivité en raison des conventions qui lient les communes au SCC (art. 41 al. 3 et 44 al. 2 LICo) (voir pt 4.3 ci-après).
Au vu de ce qui précède, les communes doivent fixer les coefficients d’impôts selon la procédure légale, les besoins financiers figurant au budget, en s’aidant du plan financier ainsi qu’en gardant à l’esprit les principes d’équilibre financier et d’interdiction de la rétroactivité. Elles agissent dans un cadre contraignant visant à garantir les droits des contribuables qui constituent en principe la partie faible dans la relation avec l’administration communale.
Perception de l’impôt
Compétences communales
Pour les impôts ordinaires communaux, le conseil communal fixe le terme général d’échéance et le nombre d’acomptes (art. 44 al. 1 LICo). Pour les autres impôts, le conseil communal fixe les échéances (art. 45 LICo).
Pour le surplus, ce sont les règles relatives à l’impôt cantonal de même nature, à défaut celles relatives aux impôts ordinaires cantonaux, qui s’appliquent par analogie (art. 1 al. 4, 44 al. 3 et 45 LICo), notamment sur les types et taux d’intérêts3, l’exécution forcée, les facilités de paiement, les garanties et la remise d’impôt.
Il est précisé que les communes n’ont pas le pouvoir de prononcer des amendes de droit communal en cas de soustraction des impôts ordinaires (art. 1 al. 4 LICo)4.
3Les intérêts compensatoires (art. 205 al. 5 et 206 al. 1 let. d aLICD) ont été abrogés avec effet au 1.1.2023 (ROF 2022_108 et ROF 2023_086). Par conséquent, depuis l’année civile 2023, indépendamment de la période fiscale concernée, seuls des intérêts moratoires et rémunératoires sont désormais à percevoir (art. 204ss LICD). Les taux sont fixés par l’ordonnance DFIN relative à la perception des créances fiscales (RSF 631.131).
4Cf. réponse du Conseil d'Etat du 22 novembre 2011 à la question déposée par la députée Erika Schnyder concernant les amendes communales en matière d’impôts directs (QA 3405.11).
Limites
L’étendue de la créance fiscale ne peut être décidée que par l’assemblée communale, respectivement le conseil général (art. 67 al. 1 let. i et 68 LFCo), limitée au choix des coefficients et taux d’impôts décidés (exhaustivité de la LICo), et décidée avant la période concernée (non rétroactivité). Toute autre décision ayant pour effet de modifier l’étendue de la créance fiscale n’est pas autorisée.
Champ d’action
Les communes n’ont ainsi pas la compétence d’octroyer des ristournes d’impôts ou toutes autres mesures ayant pour même effet de diminuer la créance fiscale, comme notamment en s’écartant des taux d’intérêts fixés par la LICD et son ordonnance, puisque d’une part cela équivaudrait à décider une modification de taux ou coefficient d’impôt de manière rétroactive, et, d’autre part, car les communes n’ont pas d’autonomie dans la fixation des intérêts.
Délégation de la perception au SCC
Les communes ont la possibilité de déléguer la perception des impôts communaux ordinaires (cf. note de bas de page 3) et sur les gains immobiliers au SCC (art. 41 al. 3 LICo). Dans ce cas, une convention est adoptée entre le SCC et la commune, et la perception est régie exclusivement par les prescriptions relatives à l'impôt cantonal correspondant (art. 44 al. 2 LICo), via le secteur Encaissement du SCC.
A défaut de prescription contraire dans le règlement communal des finances, l’organe compétent pour décider cette délégation est le conseil communal (art. 60 al. 2 LCo).
Récapitulatif des compétences
Le tableau suivant offre un aperçu des compétences communales :
Commission financière | Assemblée communale / Conseil général* | Conseil communal | Bases légales |
Examine les propositions de modification de coefficients et taux d’impôts et fait rapport à l’assemblée communale ou au conseil général | Article 72 al. 1 let. f et al. 2 LFCo |
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Décide le prélèvement d’un impôt et en fixe le coefficient ou le taux | Article 64 al. 1, 67 al. 1 let. i et 68 LFCo) |
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Impôts ordinaires : fixe le terme général d’échéance et le nombre d’acomptes Impôts spéciaux exclusivement communaux : fixe l’échéance |
Article 44 LICo Article 45 LICo |
*Dans les communes avec conseil général, la décision peut faire l’objet d’un vote aux urnes si le referendum est demandé (art. 52 al. 1 let. b LCo).
Voies de droit
En cas de modification d’un coefficient ou taux d’impôts violant la loi et/ou les principes généraux, les membres de l’assemblée communale ou du conseil général ainsi que le conseil communal peuvent demander l’examen de la décision prise par le législatif communal en déposant un recours dans les trente jours auprès du préfet ou de la préfète selon l’article 154 LCo. La décision du préfet ou de la préfète est elle-même sujette à recours auprès du Tribunal cantonal (art. 155 al. 2 LCo et 114 al. 1 let. c du code de procédure et de juridiction administrative [CPJA – RSF 150.1]). Finalement, la décision du Tribunal cantonal peut, à certaines conditions restrictives, encore être contestée auprès du Tribunal fédéral par la voie d’un recours en matière de droit public (art. 82 let. a de la loi sur le tribunal fédéral [LTF – RS 173.110]).
Quant aux contribuables, ils peuvent contester les décisions de taxation en adressant dans les trente jours à compter de la notification une réclamation, soit au conseil communal si la commune perçoit elle-même les impôts (art. 42 al. 1 LICo), soit au SCC en cas de délégation de la perception (cf. pt. 4.3) (art. 42 al. 1bis LICo et 174ss LICD). Puis, la décision sur réclamation du conseil communal ou du SCC peut encore être sujette à recours au Tribunal cantonal (art. 42 al. 2 LICo et 180 al. 1 LICD) ainsi qu’à certaines conditions restrictives, au Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public (art. 82 let. a LTF).
Mesures de surveillance
Le Conseil d’Etat, la Direction des institutions, de l’agriculture et des forêts (DIAF) et le SCom ainsi que les préfets et préfètes exercent une surveillance dans différents domaines concernant les communes et peuvent à ce titre prendre des mesures de surveillance à leur égard dans leurs domaines de compétences respectifs (art. 143ss LCo).
Le Conseil d’Etat est l’autorité supérieure de surveillance des communes (art. 144 al. 1 LCo). S’agissant en particulier des coefficients et taux d’impôts, l’article 65 al. 2 LFCo autorise le Conseil d’Etat à décider les coefficients ou taux d’impôts d’une commune lorsque celle-ci refuse de recourir à l’imposition qu’exige sa situation financière.
La DIAF est en charge des communes, elle prend toutes les mesures en matière de surveillance des communes qui ne sont pas expressément confiées à une autre autorité (art. 145 al. 1 LCo). Par exemple, en cas de refus réitéré d’approbation des comptes, la DIAF peut en dernier recours approuver les comptes de la commune afin d’assurer son bon fonctionnement (art. 151 al. 2 et 151d al. 2 LCo et 12 al. 2 OFCo).
Le SCom est l’autorité de surveillance en matière de finances communales (art. 145 al. 2 LCo et 76 LFCo). Ses tâches sont notamment de conseiller les communes et les autres collectivités publiques dans ce domaine et de proposer aux autres autorités de surveillance (Conseil d’Etat, DIAF et préfet-e-s) de prendre au besoin les mesures prévues aux articles 151ss LCo. En matière de finances communales, le SCom peut intervenir lorsqu’une décision sur le coefficient d’impôt ne respecte pas les principes de la législation sur les finances communales. Il peut inviter la commune à remédier à cette situation dans les trente jours. Si la commune ne donne pas suite à l'invitation, le SCom propose à la DIAF d’agir à la place de la commune après avoir entendu le conseil communal et dans les cas graves, d’annuler des décisions communales. Le SCom peut en outre proposer à la DIAF de prendre les mesures des articles 151a à 151c LCo.
Les préfets et préfètes exercent la surveillance générale sur les communes. A ce titre, ils les conseillent et leur prêtent assistance afin d’assurer leur bonne administration. Ils ont le droit d’assister aux séances des organes d’une commune avec voix consultative (art. 146 LCo). Si la non-conformité d’une décision sur le coefficient des impôts est liée à un vice de procédure ou au déroulement d’une séance du législatif (par exemple en cas d’erreur sur l’ordre des votes), l’autorité de surveillance est les préfets et préfètes (art. 146 et 151ss LCo). Lorsqu'une commune viole des prescriptions légales ou compromet des intérêts prépondérants d'autres communes ou du canton, ou encore lorsque sa bonne administration se trouve gravement menacée, les préfets et préfètes l’invitent dans les plus brefs délais mais au plus tard dans les trente jours dès la connaissance de la situation à remédier à cette situation (art. 151 al. 1 LCo). Si la commune ne donne pas suite à l'invitation, les préfets et préfètes peuvent, après avoir entendu le conseil communal, agir en lieu et place de la commune et, dans des cas graves, annuler des décisions communales (art. 151 al. 2 LCo).