A quoi ressemble l'offre culturelle du canton et ceux qui la portent ?
Quels sont leurs buts et leurs défis ? D'où provient leur public ? Quel est leur impact social et économique dans le canton de Fribourg ?La première partie de l'étude s'intéresse à l'offre culturelle dans le canton de Fribourg. Elle a pris la forme d'une enquête adressée principalement aux institutions, festivals, associations et ensembles culturels à laquelle notamment plus de 180 organismes ont participé.
La deuxième partie de l'étude s'intéresse aux pratiques culturelles des Fribourgeois-es. Elle sera publiée à l'automne 2025.
Résumé
- Cette étude s’intéresse à l’offre culturelle du canton de Fribourg, c’est-à-dire aux institutions (musées, théâtres, bibliothèques, etc.), aux festivals, aux ensembles artistiques (groupes de musique, compagnies, etc.), ainsi qu’aux acteurs et actrices culturel-les (musicien-nes, comédien-nes, peintres, etc.). Les nombreuses données collectées permettent de décrire les principales caractéristiques du système culturel fribourgeois, tout en analysant les dynamiques qui le traversent et auxquelles le territoire cantonal donne une expression singulière.
- À la suite d’éléments théoriques utiles à cadrer l’analyse et d’une présentation de la méthodologie, le premier chapitre revient sur le profil des participant-es à l’étude. Celle-ci repose sur un questionnaire auquel 235 personnes ont participé : 100 ont répondu au nom d’un ensemble, 81 en tant que représentant-es d’une institution, d’un lieu ou d’un festival, et 40 en leur nom propre, comme acteur-ices culturel-les (14 personnes ne se sont reconnues dans aucune de ces catégories).
- L’analyse de l’année de création des ensembles et des institutions met en évidence la structuration en trois temps du système culturel cantonal : un premier temps, où cohabitent quelques institutions fondées dès le 19e siècle et une multitude d’ensembles musicaux liés à la vie culturelle locale ; un second, dans les années 1980, correspondant à l’apparition de nombreuses institutions, notamment en lien avec le développement de l’encouragement public à la culture ou sur la base d’initiatives citoyennes réclamant des espaces culturels ; un troisième temps, qui, depuis les années 2000, se caractérise par une professionnalisation et une festivalisation croissantes de la culture.
- Un second chapitre analyse plusieurs caractéristiques structurelles et territoriales de l’offre culturelle fribourgeoise. Pour commencer, nombre de répondant-es témoignent du dynamisme du système culturel cantonal. Cet élan semble appelé à se poursuivre : 60 % des participant-es prévoient de conserver leur rythme actuel d’activité dans les cinq prochaines années, et 37 % envisagent même de l’intensifier. Ce dynamisme se manifeste aussi dans les chiffres de fréquentation : en 2023, les 81 institutions ayant participé à l’enquête ont accueilli près de 1.3 million de spectateur-ices et visiteur-euses. Cette fréquentation reste marquée par une forte inégalité : 20 % des institutions concentrent à elles seules 80 % du public.
- L’étude montre que le système culturel fribourgeois se distingue par la place importante qu’y occupe le patrimoine — soit les œuvres d’art et les monuments, mais aussi les coutumes, pratiques et traditions vivantes — avec lequel 40 % des répondant-es déclarent entretenir un lien. Ce lien est cependant très variable : il apparaît nettement plus fort du côté des ensembles que des institutions, mais également dans les structures créées avant les années 1960 et situées dans les régions rurales. Le système culturel fribourgeois s’articule ainsi, en partie, autour de deux pôles : l’un patrimonial, incarné notamment par les chorales et les fanfares ; l’autre, plus récent, associé à des domaines artistiques variés tels que le théâtre, les arts visuels, les musiques actuelles ou la musique classique, mais aussi aux musées et aux bibliothèques.
- L’offre culturelle fribourgeoise est nettement concentrée en milieu urbain : 53 % des structures se trouvent dans des communes urbaines, qui ne regroupent pourtant que 33 % de la population cantonale. Cette concentration est confirmée par les données de la Statistique des entreprises (STATENT), selon lesquelles 64 % des équivalents temps plein des entreprises culturelles sont localisés en zone urbaine — contre 51 % pour l’ensemble des autres secteurs d’activité.
- Cette répartition géographique inégale de l’offre culturelle s’articule autour d’autres lignes de partage, notamment linguistiques. Les participant-es ayant répondu au questionnaire en allemand ont ainsi mentionné le thème du bilinguisme ou de la frontière linguistique dix fois plus souvent que celles et ceux ayant répondu en français. Cette forte asymétrie rappelle que la majorité n’a pas toujours conscience de sa position dominante, tandis que les minorités, régulièrement renvoyées à leur statut, sont plus enclines à affirmer et défendre leur identité linguistique ou culturelle.
- Le troisième chapitre se penche ensuite sur les motivations des personnes qui font vivre l’offre culturelle. Cet angle d’analyse, encore peu exploré, permet de démontrer que celles-ci sont avant tout motivées par le plaisir de l’activité elle-même, mais aussi par des ambitions artistiques ou sociales. Les motivations citoyennes, historiques ou patrimoniales apparaissent moins centrales, tandis que, conformément à la littérature scientifique, les considérations économiques arrivent en dernière position.
- Si les participant-es sont rarement motivé-es par des perspectives économiques, le quatrième chapitre montre que leurs activités génèrent néanmoins des retombées économiques significatives. Les ensembles et institutions ont ainsi déclaré 679 personnes en contrat à durée indéterminée (CDI), dont plus de 80 % résident dans le canton, et 528 personnes en contrat à durée déterminée (CDD), dont 70 % sont domiciliées dans le canton de Fribourg. La taille des structures varie cependant fortement : 20 % d’entre elles – principalement des institutions et un seul ensemble – concentrent à eux seuls 80 % des emplois recensés.
- Les institutions et ensembles ayant participé au questionnaire déclarent au total 389 équivalents plein temps (EPT), pour une masse salariale cumulée de 43.2 millions de francs, dont 32.6 millions sont versés à des résident-es du canton de Fribourg — soit un retour fiscal estimé à 4.3 millions de francs pour les collectivités publiques.
- L’étude évalue les effets économiques indirects et induits liés aux salaires, mais aussi aux 29.4 millions de dépenses directes réalisées par les ensembles et les institutions dans le canton, ainsi qu’aux dépenses des publics des institutions. Au total, l’impact économique des seules structures ayant participé au questionnaire atteindrait 88 millions de francs, ce qui correspondrait à près de 70 millions de masse salariale, environ 739 emplois EPT et plus de 100 millions de francs de valeur ajoutée pour le canton de Fribourg.
- L’analyse des produits révèle une forte concentration des ressources : 12 % des répondant-es concentrent 80 % des 61.9 millions de produits déclarés. Les subventions publiques et les aides de la Loterie Romande représentent 53 % de cette somme, mais cette part varie fortement entre les institutions publiques — où elle atteint 80 % — et les ensembles associatifs, chez qui les recettes propres (billetterie, dons, ventes, etc.) constituent la principale source de financement. L’analyse des produits articulée à celle des impacts économiques permet enfin d’estimer que chaque franc de subvention investi génère environ 2.3 francs de dépenses et 2.7 francs de valeur ajoutée dans l’économie cantonale.
- Sur le plan financier toujours, 43 % des structures souhaitent augmenter leur budget, pour des raisons diverses : amélioration de l’offre, renforcement de la médiation culturelle, attention aux conditions de travail, amélioration des rémunérations artistiques ou encore réponse à l’augmentation des charges. Si ces demandes illustrent bien la professionnalisation en cours du secteur et les formes concrètes qu’elle prend, le bénévolat continue néanmoins de jouer un rôle central dans le système culturel, en particulier dans son versant patrimonial. Au total, les répondant-es annoncent 5 643 bénévoles ponctuel-les (mobilisé-es lors d’événements) et 1 846 bénévoles actif-ves à l’année (engagé-es dans des comités ou la gestion annuelle), dont près de 95 % résident dans le canton.
- Enfin, les deux derniers chapitres de l’étude identifient les principales difficultés auxquelles sont confrontés les institutions, ensembles et acteur-ices culturel-les du canton. Le manque de ressources financières constitue la préoccupation majeure pour 75 % des répondant-es. Mais d’autres difficultés sont mentionnées, telles que le renouvellement des équipes — particulièrement problématique dans les ensembles patrimoniaux — ainsi que diverses inquiétudes liées aux publics : baisse de fréquentation, concurrence entre les offres culturelles ou évolution des pratiques. Le dernier chapitre revient sur plusieurs de ces enjeux et aborde également la question de la reconnaissance du patrimoine, du soutien aux pratiques amateures et professionnelles, ainsi que celle de l’évolution des politiques culturelles.