Les sources en tant que biotopes
Les sources sont des exutoires naturels des eaux souterraines et constituent une zone de transition entre eaux souterraines et eaux de surface. Mis à part le fait qu’elles représentent une part non négligeable de l’eau que nous consommons, elles constituent également un habitat précieux pour de nombreuses espèces de plantes et d’animaux. Cet habitat comprend l’exutoire, le ruisseau de source ainsi que son environnement immédiat. Les eaux souterraines étant pauvres en nutriments et caractérisées par des propriétés relativement constantes (par exemple la température), cela est également vrai pour les sources. La présence d’un milieu de source naturel et sans altération est importante pour les communautés qui y vivent. De plus, la diversité et la nature du substrat (galets, gravier, sable) jouent également un rôle important. De nombreuses espèces d’éphémères, de plécoptères et de trichoptères se sont spécialisées pour ce milieu. Les animaux habitant les eaux souterraines, le ruisseau et les endroits humides proches de l’exutoire complètent cette biocénose. Ainsi, malgré la faible surface qu’elles occupent, les sources sont des habitats diversifiés qui abritent de nombreuses espèces menacées.


La morphologie, l’ensoleillement ou encore les caractères physico-chimiques de l’eau sont autant de facteurs qui influencent la composition de la communauté d’espèces vivant dans la source et à ses alentours. Les sources jaillissantes sont souvent riches en espèces car les habitants des sources y rencontrent ceux des ruisseaux. Les sources suintantes, quant à elles, sont occupées par des espèces très spécialisées ayant la faculté de vivre dans un filet d’eau de seulement quelques millimètres.
De par leur caractère hautement spécialisé, les animaux vivant dans les sources sont très sensibles aux modifications de leur environnement et sont de ce fait de bons bio-indicateurs. Parmi les vertébrés, seule la salamandre tachetée (Salamandra salamandra) fréquente les sources de manière régulière. Du côté des invertébrés, on peut rencontrer les larves du cordulégastre bidenté (Cordulegaster bidentata, une libellule), dont le développement, qui peut durer jusqu’à cinq ans, a principalement lieu dans les sources. Le ver planaire Crenobia alpina, présent dans certaines sources alpines est quant à lui une relique glaciaire et indique une eau d’une bonne qualité, c’est un prédateur qui se nourrit des autres animaux présents dans les milieux de source.
En plus des diatomées dont la diversité est très élevée dans les sources, on trouve différentes associations végétales qui colonisent les endroits humides à proximité des exutoires, en fonction du type d’habitat et de la situation géologique. Les sources calcaires sont fréquemment colonisées par des cyanobactéries et des mousses qui, en utilisant le dioxyde de carbone pour la photosynthèse, accélèrent la précipitation du calcaire et sont ainsi responsables de la formation des concrétions calcaires. Avec le temps, la formation de tuf calcaire peut créer des cascades impressionnantes. Etant donné que le calcaire recouvre non seulement le substrat mais également les animaux et les plantes, la vie dans une source calcaire exige des capacités d’adaptation très importantes.
Les espèces aquatiques des sources sont généralement liées aux eaux froides et disparaissent à mesure que l’on s’éloigne de l’exutoire du fait du réchauffement de l’eau. Certaines de ces espèces sont des reliques de l’époque glaciaire et se retrouvent, en Europe, uniquement en Scandinavie et dans les sources alpines. A l’époque de la dernière glaciation, elles vivaient dans une bande de terre libre de glace large de quelques centaines de kilomètres et se trouvant entre le nord de l’Europe et les Alpes. Au moment du retrait des glaciers, ces espèces ont trouvé refuge en Scandinavie et dans les Alpes.
Le terrain détrempé situé aux abords de la source est caractérisé par la présence d’une très fine pellicule d’eau. Les animaux colonisant cet espace sont de forme aplatie et capables de résister au desséchement. Bien que présentant l’avantage d’être riche en oxygène, ce milieu est soumis à de fortes variations de température. En forêt, il est colonisé par des décomposeurs qui se nourrissent des feuilles mortes présentes en abondance.


Inventaire des sources naturelles du canton de Fribourg
Les sources en tant qu’habitat sont fortement menacées, il ne reste que peu de sources à l’état naturel. Les sources naturelles qui existent encore sont vulnérables aux activités humaines (agriculture, urbanisation) et le manque de données rend leur protection difficile. Le Service des forêts et de la nature réalise actuellement un inventaire des sources naturelles à l’échelle de tout le canton. Ce dernier vise à récolter des données sur l’état actuel des sources non captées en les évaluant selon la méthodologie développée par l’Office fédéral de l’environnement. Au cours de l’année 2018, plus de 600 sources connues ont été recherchées, ce qui a permis d’évaluer plus de 200 sources naturelles. Ces données vont être intégrées à la base de données MIDAT-Sources et l’inventaire va se poursuivre en 2019.