Le 18 décembre 2019, le Grand Conseil acceptait le mandat « Création de statistiques en matière d’agressions LGBTI+phobes ». Il faisait ainsi un pas supplémentaire par rapport à la proposition du Conseil d’Etat, qui plébiscitait le renforcement de la formation des agentes et agents de police à la problématique, mais estimait en revanche difficile de tenir une statistique consolidée de ces agressions spécifiques. Au-delà de cette nuance d’appréciation, les pouvoirs exécutifs et législatifs ont donné un signal fort en faveur d’une action plus résolue en matière de lutte contre ces actes de discrimination, de harcèlement ou d’agression.
La Police cantonale a mis en œuvre ce mandat dès le début 2020, tout en identifiant l’opportunité de mieux orienter, grâce aux renseignements recensés, son action dans le terrain au profit d’espaces publics encore plus sûrs. Une plateforme de lutte contre les discriminations et le harcèlement a été mise en place, formée de représentants des associations fribourgeoises pour la diversité sexuelle et de genre, SARIGAI et LaGO (Lesbians, Gays and Others), du Ministère public et de la Police cantonale. Cette dernière est en charge de la coordination entre ces différents acteurs, qui se réunissent deux fois par an. Il s’agit prioritairement de pouvoir tisser des liens et constituer une passerelle favorable à la compréhension des problèmes et à l’identification des besoins des victimes d’une part, et d’autre part de mettre en place un schéma de prise en charge et des procédures adéquates en bonne coordination avec les autorités de poursuite pénale. Nourrie par des échanges francs et constructifs, la bonne collaboration a permis de récolter rapidement des résultats et compter les premiers succès.
Le mandat du Grand Conseil demandait également de recenser statistiquement les agressions LGBTI+phobe. Consciente des évolutions sociales, la Police cantonale en a fait une interprétation plus large en mettant en place dès le 1er janvier 2020 un recensement de toute forme de discriminations et de harcèlement (agressions et délits LGBTI+phobes, racisme, sexisme et harcèlement notamment).
Un autre objectif consiste à la mise en place de formations ciblées pour les policières et policiers, en collaboration avec les différents partenaires, afin d’être encore mieux sensibilisé-e-s à la problématique (formation aux préjugés, bases légales, etc.). Ces formations devaient déjà se tenir à l’automne 2020 mais ont dû être reportées en raison de la pandémie.
Désormais, un officier, en la personne du capitaine Jean-Marc Andrey, chef de la Région Centre de la Gendarmerie, a été désigné responsable des questions de discrimination et de harcèlement. Il œuvre, en parallèle de ses activités ordinaires, à la mise en réseau des différents partenaires, veille au processus et à son évolution. Enfin, il conseille l’état-major de la police pour la mise en œuvre prochaine de formations relatives à la prise en charge des victimes de discriminations et/ou de harcèlement.
Premier bilan du recensement
La problématique de la discrimination et du harcèlement est souvent complexe. Toutes les situations rencontrées ne sont pas systématiquement constitutives d’une infraction et ne donnent pas toujours lieu à des suites pénales. Cela dit, grâce à une efficace et bienveillante prise en charge, la majeure partie des cas a débouché sur l’enregistrement de plaintes pénales. Plusieurs auteur-e-s présumé-e-s ont été dénoncé-e-s aux autorités.
Du 1er janvier au 31 décembre 2020, 58 événements ont été annoncés à la police. 34 plaintes ont été enregistrées et 39 auteur-e-s présumé-e-s ont été dénoncé-e-s à l’autorité compétente. 12 événements de discriminations et/ou agressions à l’encontre de la communauté LGBTI+ ont été recensés. A 9 reprises une plainte a été déposées et 8 auteur-e-s présumé-e-s ont été identifié-e-s et dénoncé-e-s aux autorités. Les autres affaires recensées concernent des constats de discrimination raciale (35 cas – 19 plaintes – 23 personnes dénoncées), de harcèlement de rue (10 cas – 6 plaintes – 8 personnes dénoncées) et 1 cas d’une autre forme de discrimination.
Concernant la discrimination LGBTI+phobes, il est constaté que 55% des victimes sont des femmes, 36% des hommes et 9% d’un autre genre. Les hommes quant à eux représentent la majorité des auteurs (63%). L’agression verbale (79%) est le moyen le plus utilisé, mais la force physique est tout de même utilisé dans 21% des agressions. Le recensement montre également que les faits se sont principalement déroulés en fin de semaine, en soirée et/ou durant la nuit. En termes d’infractions au code pénal, ce sont les injures et la discrimination raciale qui sont constatés en majorité, suivis des menaces, des voies de faits et de la contrainte. Le phénomène est d’avantage présent durant les mois chauds de l’année, sous réserve de l’influence du Covid-19 (restriction d’ouverture des commerces, établissements publics et activités de loisirs).
Poursuite du mandat et perspectives
Forte de ce constat, la Police cantonale fribourgeoise va poursuivre ses efforts d’un point de vue opérationnel en ciblant et renforçant ses présences dans l’espace public, pour la bonne sécurité des Fribourgeoises et des Fribourgeois. En parallèle, le recensement de la discrimination et du harcèlement dans notre canton va être encore amélioré.
Les victimes sont au centre des préoccupations de la Police cantonale et ne doivent pas hésiter à annoncer les faits qu’elles ont subis à un-e agent-e, via le 117 ou dans un poste de police. Les suites qui s’imposeraient pourront dès lors être données, que ce soit en matière de poursuite pénale, de conseils (LAVI – prise en charge par d’autres institutions, etc…), ainsi que de recensement et d’analyse.