FRIBOURG. Antoine Geinoz, secrétaire général de la Constituante, fait le point sur l'avancée des travaux et donne ses impressions sur l'ambiance de travail autour du projet de nouvelle Constitution qui sera soumis au peuple en 2004 .

 

«A Fribourg, la nouvelle Constitution ne rimera pas avec révolution»
Battiste Cesa
Jeudi 19 juillet 2001
Rubrique:  régions


Antoine Geinoz est un homme heureux. Depuis le 15 janvier de cette année, il est en charge du poste de secrétaire général de la Constituante fribourgeoise. Ancien journaliste à La Liberté et à La Gruyère, il s'est imposé à cette fonction par sa connaissance de la chose publique et son regard de généraliste.
C'est le 12 mars 2000 que le peuple a élu les 130 représentants chargés d'élaborer la nouvelle charte cantonale. Si la plupart des constituants sont issus de la classe politique traditionnelle, une frange non négligeable d'entre eux, notamment le mouvement Energie nouvelle ou les listes citoyennes, n'est pas du sérail.
Depuis le début de l'année, huit commissions thématiques se réunissent régulièrement pour aborder les grands dossiers de la nouvelle Constitution et élaborer les thèses qui présideront la rédaction de l'avant-projet de loi. La phase d'amendement se fera dès cet automne lors d'une lecture «zéro». L'année prochaine verra l'adoption des grandes lignes directrices et leur mise en consultation. En 2003, l'avant-projet sera rédigé, puis passera le cap de la Constituante en deux ou trois lectures, avant d'être soumis au peuple en mars 2004.
Antoine Geinoz donne sa vision de l'avancée des travaux et de la température au sein des commissions.

Le Temps: A quoi ressemblera la nouvelle Constitution cantonale?
Antoine Geinoz: Il est bien sûr trop tôt pour se prononcer dans le détail. Si la nouvelle Constitution ne sera pas une révolution, un certain nombre de décisions importantes ont déjà été prises en commission. Par exemple, au Grand Conseil, la réduction du nombre de députés de 130 à 100, le recours à la suppléance ou encore la création d'un secrétariat propre, qui devrait renforcer son pouvoir face au Conseil d'Etat, seront proposés. Une assurance maternité, imaginée selon le modèle genevois, la motion populaire ainsi que des dispositions sur la famille devraient aussi être inscrites dans la charte. Bien sûr, les propositions sont mesurées, car on perçoit au sein de la Constituante un souci permanent de construire un projet susceptible d'être accepté par le peuple.

– Au détriment de propositions avant-gardistes?
– Non. Le projet n'est pas qu'un simple toilettage. La Constituante a devant elle une page blanche et essaie de formuler des thèses, en ne s'inspirant que très peu du texte actuel. La nouvelle Constitution doit pouvoir fixer les grands principes qui vont régir l'avenir du canton de manière durable et détaillée, afin de tenir le coup face aux soubresauts de l'actualité.

– Quelle est la température au sein de la Constituante?
– Il y a un souffle très positif. L'impulsion a été donnée par l'intérêt populaire pour le projet, avec 748 candidats en lice lors de l'élection. La Constituante réunit des personnes très différentes: des jeunes d'à peine 20 ans aux retraités, mais aussi des habitués de la politique aux parfaits néophytes. Ma crainte était d'assister à une politisation trop forte des débats. Au contraire, les clivages politiques se sont d'emblée estompés, les doctrines de parti s'effaçant devant les convictions individuelles. Et les vieux briscards de la politique n'ont pas le monopole de la parole. Au contraire, les regards neufs et inexpérimentés apportent de la fraîcheur et un sens du formalisme moins fort qu'ailleurs. C'est un excellent creuset d'idées.

– Quelles sont les relations entre la Constituante et les autres composantes de l'Etat?
– Un comité de suivi avec le Conseil d'Etat a été créé. Il est composé de deux conseillers d'Etat, de hauts fonctionnaires et d'un spécialiste en droit constitutionnel. Chaque direction a désigné une personne de contact. Ces formes de communication permettent à tous les acteurs de se tenir au courant. Et cela fonctionne bien. Par contre, les relations avec le Grand Conseil sont plus conflictuelles par nature. N'oublions pas que le peuple fribourgeois a enlevé la compétence de repenser la Constitution au parlement. Les deux organes entretiennent donc une sorte de jalousie sur leurs prérogatives respectives...

–... Comme la décision des députés de créer un Conseil de la magistrature, alors que la Constituante y réfléchit?
– C'est un cas typique de collusion qu'il faudrait éviter. Bien sûr, avec les affaires qui ont secoué la police fribourgeoise, les députés ont avancé l'urgence d'agir pour créer cet organe de contrôle. Mais la Constituante a conscience de la grandeur historique de sa tâche et a envie de faire le travail par elle-même. Il faut que ce genre d'interférence se règle dans la courtoisie et que chaque acteur ait la volonté de s'informer réciproquement. Le peuple ne comprendrait pas que l'on puisse voter sur un même objet en un laps de temps très court. Le Grand Conseil et le Conseil d'Etat devraient se tenir à un devoir de réserve sur les révisions constitutionnelles.